La formidable histoire du combat de l’Homme contre la variole – LMB #12

Et si vous préférez le texte :

En 1911, le médecin bactériologiste français Marc Armand Ruffer étudie la momie d’un égyptien mort il y a plus de 3000 ans. La momie est recouverte de pustules, qui ont très probablement été causées par la variole, un virus mortel qui donne la fièvre, des frissons, et des boutons rouges qui se transforment en pustules. Ces pustules momifiées sont les premiers dégâts historiques de la variole sur l’Homme, mais certainement pas les derniers, la variole étant une des maladies les plus mortelles dans toute l’histoire de l’humanité. Rien qu’au 18e siècle, on estime que 500 000 personnes mouraient de la variole chaque année en Europe. La riposte humaine commence en l’an 900 : des médecins chinois découvrent qu’en frottant le bras de personnes saines avec les croûtes des pustules de personnes malades, sympa le traitement, les chances de mourir de variole diminuent. Mais c’est au 18e siècle que les choses s’accélèrent. En 1796, une rumeur circule dans le sud de l’Angleterre : les laitières du coin seraient immunisées contre la variole, alors même qu’elles développent des pustules sur leur corps. Ces rumeurs piquent la curiosité d’un médecin, Edward Jenner, qui décide de prendre du pus de la main d’une laitière et de l’injecter dans le bras d’un jeune garçon de 8 ans. De mieux en mieux les médecins. Le garçon développe lui-même des pustules mais lorsque le médecin lui inocule la variole quelques jours plus tard, il ne tombe pas malade. Le garçon semble immunisé.

Jenner comprend que la laitière était en fait contaminée non pas par la variole humaine mais par la variole de la vache, une variante de la variole humaine. Et non seulement la variole de la vache n’est pas dangereuse pour l’Homme, mais elle procure en plus une immunité contre la variole humaine. Ainsi la rumeur était vraie : les laitières anglaises étaient bien immunisées contre la variole humaine, et Jenner venait de découvrir le principe de la vaccination, qui tire son nom de la vaccine… qui n’est elle-même rien d’autre que le nom scientifique de la variole de la vache !

Un problème se pose rapidement au 18e siècle : comment vacciner les personnes vivant dans les colonies où la variole fait rage, alors même que la variole de la vache n’existe pas hors d’Europe et qu’on ne peut donc pas s’en servir comme vaccin ? En 1803, le roi Charles d’Espagne a recourt à une solution radicale : il fait embarquer 22 orphelins sur un bateau et vaccine le premier. Comme prévu, celui-ci développe quelques jours plus tard des pustules, et avant qu’elles ne se transforment en croûtes, on utilise leur pus pour infecter un 2e orphelin, et ainsi de suite. Une chaîne de vaccination se forme ainsi, ce qui permet au bateau de pouvoir approvisionner à chaque escale les populations locales en variole de la vache. A-t-on demandé leur avis aux orphelins, l’histoire ne le dit pas.

En 1965, l’OMS accélére encore les efforts de l’humanité pour se débarrasser de la variole en lançant une grande campagne, qui vise à identifier et vacciner rapidement les foyers de variole avec un nouveau vaccin, plus facile à utiliser, et moins dégueulasse, c’est à dire sans aucun transfert de pus. 12 ans plus tard, ces efforts sont couronnés de succès : le dernier cas de variole humaine est enregistré en 1977, faisant de la variole le premier (et le seul à ce jour) virus humain que l’Homme ait réussi à éradiquer dans toute son histoire.

Mais ça ne voulait pas dire que le virus avait disparu de la surface de la Terre pour autant. Il était encore présent dans tous les laboratoires qui l’avaient étudié jusque là. Se posa donc la question de savoir quoi faire de ces stocks de variole : les détruire, ou les garder pour continuer à étudier le virus au cas où. L’OMS choisit une solution intermédiaire : détruire tous les stocks de virus sauf ceux de deux laboratoires dans le monde, un aux États-Unis, et un en URSS. La peur que le virus n’ait pas été complétement éradiqué justifiait pour certains qu’on continue à l’étudier dans ces deux laboratoires. Et ces craintes n’étaient pas complètement injustifiées ! En 2014, des chercheurs qui déménageaient leur labo sont tombés sur un vieux carton abandonné. À l’intérieur, des fioles qui contenaient… vous avez deviné, le virus de la variole, passé au travers des mailles du filet de l’OMS depuis plus de 40 ans. La variole n’a peut-être pas dit son dernier mot dans son combat millénaire contre l’espèce humaine…

 

Sources :

Sur l’histoire en général de la vaccination par la variole :
Sur l’expédition de Charles d’Espagne :
Là où j’ai (re)découvert ces histoires :

Musique : Rita’s tune par Pepe Frias

Crédits son :

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