Et si vous préférez le texte :
Au cours de votre vie, vous passerez près de 25 années à dormir. C’est 25 années passées allongé·e, les yeux fermés, à rien foutre. Quel gâchis n’est-ce pas, quand vous pourriez utiliser tout ce temps pour faire des choses bien plus utiles. Ça vous a peut-être déjà traversé l’esprit d’essayer d’écourter vos nuits, ces “petites tranches de mort” comme les a appelées quelqu’un dont j’ai oublié le nom ? Mais pourquoi ne pas aller plus loin et ne plus dormir du tout ? Combien de nuits blanches pourriez-vous encaisser avant de vous écrouler comme une merde, et quelles seraient les conséquences pour votre santé ? Pas besoin de faire l’expérience, d’autres ont déjà essayé pour vous.
Les études scientifiques le montrent : dès la première nuit blanche, vos performances cognitives sont diminuées. Ça ne vous étonnera pas d’apprendre que votre mémoire de travail devient moins bonne. C’est la mémoire qui vous permet par exemple de retenir la commande de dix bouteilles de champagne pour vos potes au resto. Votre mémoire à long terme, celle qui vous permet de retenir qu’il ne faudra plus inviter vos potes au resto, est aussi affectée, tout comme la prise de décision, le raisonnement logique et l’attention. Moins connu, on devient aussi beaucoup plus sensible aux bonnes et aux mauvaises nouvelles : on réagit plus aux événements extrêmes. En particulier, une région du cerveau que l’on appelle circuit mésolimbique et qui contrôle le plaisir est beaucoup plus activée, ce qui fait que vous pouvez ressentir une certaine sensation d’euphorie après une ou deux nuits blanches, être plus motivé·e et plus optimiste : autrement dit, la privation de sommeil a un effet antidépresseur ! Ce qui n’est pas forcément une bonne chose, car vous basez alors vos décisions sur une vision fausse du monde…
Au-delà de trois nuits blanches, il devient difficile de faire des expériences sérieuses chez l’Homme pour des raisons éthiques évidentes (rappelons que la privation de sommeil est une technique d’interrogatoire encore utilisée par la CIA…). On doit s’en tenir à des anecdotes, comme celle de Randy Gardner, un américain qui détient le record du monde de temps sans dormir pour être resté éveillé pendant 11 jours d’affilée. Il semblerait qu’il s’en soit assez bien sorti, même si certains médecins qui le suivaient ont reporté des problèmes de concentration et de mémoire, et quelques passages de paranoia ou des hallucinations. Rien de bien grave quoi.
Comme souvent quand on ne peut pas faire d’expériences chez l’Homme, on se tourne vers les animaux, et en particulier le rat. Des rats maintenus éveillés 24h/24 ont développé des lésions sur la peau, leur température corporelle a augmenté, ils se sont mis à manger beaucoup plus. Et tous sans exception sont morts en deux-trois semaines maxi, ce qui voudrait dire que la privation de sommeil tue plus vite que la privation de nourriture ! Néanmoins, il se pourrait que ce soit le stress intense imposé aux rats qui les ait tué plutôt que le manque de sommeil.
Enfin, une maladie humaine appelée insomnie fatale familiale peut nous renseigner sur les conséquences d’une perte totale de sommeil. C’est une maladie hyper rare qui ne touche que 100 personnes dans le monde. Elle commence par des insomnies classiques qui deviennent de plus en plus fortes, puis viennent les hallucinations, une perte de poids importante, une phase de démence, et ça se termine toujours par la mort (on ne sait pas guérir cette maladie). Quand les premiers symptômes apparaissent, les personnes atteintes n’ont plus qu’un an et demi à vivre en moyenne, même si elles sont en parfaite santé par ailleurs…
Au final, si vous voulez vraiment savoir, vous devriez être capable de rester au moins une dizaine de jours sans dormir du tout, mais le max du max n’est pas certain. Et même si les pertes de mémoire et les hallucinations ne vous font pas peur, c’est pas vraiment la peine d’essayer car vous ne serez jamais capable de vous empêcher de dormir à 100%, à cause de micro-siestes de quelques secondes que vous ferez sans même vous en apercevoir. Plus qu’à trouver un autre moyen que se passer de sommeil pour avoir plus de temps libre…
Sources :
Conséquences sur les fonctions mentales du manque de sommeil :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2656292/
Tableau très complet : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2656292/table/t1-ndt-3-553/
http://www.jneurosci.org/content/31/12/4466.abstract
http://www.journalsleep.org/ViewAbstract.aspx?pid=24085
Conséquences métaboliques du manque de sommeil :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1991337/
Expérience chez les rats :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6857280
Revue de la littérature :
http://www.nature.com/nature/journal/v437/n7063/full/nature04285.html
Randy Gardner record du monde :
https://en.wikipedia.org/wiki/Randy_Gardner_%28record_holder%29
Sur la privation de sommeil et la torture :
Crédits:
Musique :
https://www.jamendo.com/track/582985/rita-s-tune
Sons :
http://www.freesound.org/people/totya/sounds/155668/
http://www.freesound.org/people/toyoto/sounds/93759/
http://www.freesound.org/people/Paul368/sounds/264062/
http://www.freesound.org/people/Npeo/sounds/203121/
http://www.freesound.org/people/aldenroth2/sounds/272030/
http://www.freesound.org/people/toefur/sounds/288941/